Les bornes de la commune

Le 25 novembre 1789 l’Assemblée Nationale Constituante décrète qu’une municipalité serait créée dans chaque bourg, paroisse ou communauté de campagne. Le 14 septembre suivant une loi crée la commune désignée comme la plus petite unité administrative en France ; son territoire reprend généralement celui de l’ancienne paroisse et l’on décide que le chef-lieu se situerait là où se trouve le clocher. Des contestations s’élevant parfois entre communes voisines à propos des délimitations on décide qu’un bornage serait réalisé sous l’autorité des départements et districts.

1

En 1801 des bornes sont posées là où le territoire de la commune de Treillières entre en contact avec celui de plusieurs communes voisines. Ainsi à l’extrémité Nord de la commune une borne dite de La Noë-Verte indique le lieu de jonction de 4 communes dont les noms sont portés sur les 4 côtés de la borne : Treillières, Grandchamp, Fay de Bretagne, Vigneux de Bretagne.

 

 

2

 

 

Plus à l’Est, à 1 km au nord du village de La Rinçais, dans l’encoignure d’un pré, une autre borne, dite de Grena, marque les limites de Treillières, Grandchamp, La Chapelle-sur-Erdre.

 

 

 

 

3Sur le plan de 1830 la borne de Grena et les autres repères de débornement :
moulin, route, petites bornes

Au sud de la commune, près du moulin des Rochettes une borne marque la jonction des communes de Treillières, Nantes et Orvault. (Cette borne a disparu et cette partie de Treillières  a été cédée à Nantes à la fin des années 1960).

A l’Ouest de Chambouin ce sont deux grosses bornes qui marquaient la rencontre des communes de Treillières, Vigneux et Orvault. Aujourd’hui il n’en reste plus qu’une couchée à terre derrière un panneau routier du carrefour.

4

La borne a été déplacée et jetée à terre après l’élargissement du carrefour

Une fois les bornes plantées aux endroits stratégiques on entreprit, en 1804, de délimité précisément les frontières communales de l’une à l’autre. Aux Archives départementales se trouve le « Procès verbal de délimitation du territoire de la commune de Treillières et de ses diverses sections »

« Aujourd’hui le 27 du mois de floréal an 12 (17 mai 1804) de la République française, nous géomètre arpenteur en chef nommé par le Préfet du Département de la Loire-Inférieure pour procéder conformément à l’instruction du Ministres des Finances…. à la reconnaissance de la ligne de circonscription de la commune de Treillières et à la division du territoire de cette commune en sections, nous sommes transportés accompagné du contrôleur des contributions directes au chef-lieu, en la mairie, où nous avons trouvé le citoyen Vincent maire de la dite commune et les citoyens Jean Baudin adjoint et René Clouet et Jean Bizeul indicateurs… ainsi que les maires, adjoints et indicateurs des communes cy après désignées convoqués et rassemblés pour constater contradictoirement la démarcation du territoire de Treillières.

Arrivés sur le terrain, nous avons choisi pour point de départ celui du périmètre de la commune de Treillières qui se trouvant le plus au Nord, sert de séparation aux territoires des trois communes de Treillières, Fay et Grandchamp et nous avons parcouru la ligne de circonscription en allant du Nord à l’Est puis au Sud et à l’Ouest, ayant toujours à notre droite le territoire de Treillières et à notre gauche successivement ceux de Grandchamp, La Chapelle-sur-Erdre, Nantes, Orvault, Vigneux et Fay… ».

La petite troupe, à travers landes, champs et taillis, discutant, disputant un arbre ou un pied de jonc, détermine la ligne de démarcation de la commune en plantant « un borne en triangle ayant les dimensions exigées par l’arrêté du Préfet… ».

5Près du moulin de Chambouin une des bornes aujourd’hui déterrée (Photo B. Blaquart)

En 1806 puis en avril 1830 les maires et arpenteurs refont le tour de la commune, suivant la ligne de séparation d’avec les communes voisines, notant les bornes encore en place et les monuments remarquables situés sur la « frontière » : le moulin des Landes, le four de Chambouin…. Ensuite un arpenteur dessine sur un plan la ligne de séparation y portant bornes, moulins, croix, ruisseau, route, chemin… autant d’éléments permettant de situer (de façon aprfois un peu approximative) les limites communales.

6Extrait du PV du débornement de 1830

7Le dessin de la limite entre Orvault et Treillières

8Détail : près de Chambouin

(La limite entre Orvault et Treillières a longtemps prêtée à contestation car vers 1735 la route de Nantes à Rennes qui servait jusqu’alors de frontière entre les deux paroisses fut élargie et déplacée légèrement d’Ouest en Est. L’espace situé entre l’ancien et le nouveau tracé fut revendiqué par les Orvaltais ce qui provoqua de longs procès. La question fut tranchée au détriment des Treillièrains par la fixation de la limite communale le long de la nouvelle route en 1804.)

9 10

Petites bornes près de Chambouin

En 1830 il restait encore 9 petites bornes intermédiaires. Enfoncées dans le sol elles sont parfois difficiles à repérer sauf quand elles ont été remplacées par une borne plus importante comme celle dite de Long-Luc implantée dans les landes de ce nom avant que Henri-Léon Voruz ne les défriche pour créer le domaine de Chavagnes. Autrefois située sur la limite entre Grandchamp et Treillières la borne de Long-Luc a été déplacée au bord de la route de Notre-Dame des Landes.

 


1112Treillières possède deux autres bornes remarquables mais bien antérieures à celles que je viens d’évoquer puisqu’elles remontent à l’époque gallo-romaine et destinées celles-ci à indiquer les distances et non à borner le territoire.

La voie romaine qui reliait Nantes à Blain et Redon était un axe important à l’époque. Elle longeait à l’Ouest tout le territoire de l’actuelle commune de Treillières de Tourneuve à La Noë-Verte en passant par Chambouin, La Madeleine, La Guittonais, Muzon. C’est le long de cette voie que l’on a retrouvé aux Brillats, en 1845, une borne milliaire (le millième pas) romaine. On la réinstalla au bord de la route et pour éviter quelques rites païens dont la population était friande autour de cette pierre confondue avec un mégalithe on la surmonta d’une croix en 1876.

Un peu plus loin sur l’ancienne voie romaine, à La Guittonais, on exhuma dans les années 1960 une autre borne, plus petite, marquée d’un M en capitale latine, signe fréquemment utilisé par les arpenteurs romains. Cette borne fut transférée dans la cour du presbytère où elle se trouve toujours.

Comme on vient de le voir le clergé, méfiant envers toute pierre levée synonyme de paganisme, prit l’habitude de « récupérer » les bornes romaines…. mais aussi les autres. Le 7 mai 1861, mardi des Rogations, des cortèges précédé de croix et bannières chantant cantiques curés en tête convergent depuis Treillières, La Paquelais, Fay et Grandchamp vers la borne de la Noë-Verte marquant le point de jonction des 4 communes (La Paquelais fait partie de la commune de Vigneux). Ils viennent inaugurer et bénir un nouveau calvaire, une croix en granite placée sur une table de granite recouvrant l’ancienne borne. Le curé de Treillières, François Boisrobert, qui fait un long récit de l’événement dans le « Livre de paroisse », exalta l’union des 4 paroisses puis exhorta les fidèles à défendre la croix contre les impies comme l’avait fait leurs pères pendant la Révolution et il fit acclamer le très conservateur pape Pie IX.

13croix de La Noë-Verte

Nul doute que le curé de Treillières trouvait dans le spectacle de cette borne communale placée sous la tutelle de la croix la revanche des paroisses sur les communes nées de la Révolution : vision d’un homme à contre-courant de son époque. Peut-être était-il borné ?