De la sacristie à l’auberge
Le décret de l’Assemblée Nationale du 14 décembre 1789 relatif à « l’organisation des communes du royaume de France » et à la « constitution des municipalités » décide que « le chef de tout corps municipal portera le nom de maire » (article 4) et que l’assemblée municipale se réunira « à la maison commune ou maison de ville » (article 19) ; il n’est pas encore question de mairie.
Cette nouvelle organisation municipale mise en place par la Révolution se substitue à l’ancienne assemblée paroissiale (le Général de la paroisse) qui, dans la sacristie de l’église, se réunissait sous la houlette du curé pour gérer les biens de la paroisse et les affaires de la communauté villageoise (impositions, chemins, assistance aux pauvres…). Les paroissiens de Treillières mettront un certain temps à se rendre compte qu’ils sont devenus des citoyens. Le 21 février 1790 ils élisent leur première municipalité et mettent à sa tête le curé pour maire et son vicaire pour procureur (adjoint). Le nouveau corps municipal continue comme avant à s’assembler le dimanche, à la fin de la messe et au son de la cloche dans la sacristie qui devient ainsi la première mairie de Treillières.
En janvier 1791 le curé, Jacques Nerrière, démissionne de sa fonction de maire. Pour le remplacer le corps municipal élit Alexandre Vincent, aubergiste et maître du relais de Poste installé près du carrefour de la route Nantes-Rennes et de la route de Sucé. Pendant quelque temps encore la municipalité continue à siéger « dans la sacristie lieu ordinaire des délibérations » (15 avril 1792).
Quand en janvier 1793, la municipalité prend en charge la tenue des registres de l’Etat Civil, le maire trouve plus pratique de rassembler l’administration communale dans son relais de Poste et bientôt d’y tenir aussi les réunions du corps municipal. Les procès verbaux des séances parlent alors d’élus « assemblés dans la salle commune » ou « la chambre commune ».
Le 27 octobre 1801 le terme mairie apparaît pour la première fois mais c’est pour désigner la municipalité. Un an plus tard, le 11 juillet 1802 le mot est à nouveau utilisé mais pour désigner le lieu où se tient la municipalité : « … fait et arrêté à la mairie de cette commune… ». Il s’agit toujours d’une pièce de l’auberge d’A. Vincent, inamovible maire. En 1803, celui-ci transfère son relais de Poste en haut de la côte de Gesvres. La mairie déménage dans une pièce de la nouvelle auberge louée 40 francs par le maire-maître de Poste à la municipalité qu’il dirige.
Après la disparition d’A. Vincent en 1820, ses successeurs maintiennent la mairie au relais de Poste de Gesvres jusqu’en 1901 à l’exception du court mandat de Julien Le Lardic de La Ganry (1826 – 1830) qui installe la municipalité dans son manoir de Fayau.
La mairie squatte l’école
En septembre 1901, le maire J. Enaudeau, devant la mauvaise tenue des registres municipaux toujours aux soins de l’aubergiste-secrétaire de mairie Rogatien Vincent, demande l’autorisation au Préfet d’installer provisoirement la mairie dans les pièces vacantes des logements réservés aux enseignants. Le Préfet accepte et la mairie de Treillières s’installe, de façon très chaotique, dans les maisons d’école de la commune : les archives dans une chambre d’instituteur de l’école des garçons ; le cabinet du maire et le bureau du secrétaire de mairie entre la salle à manger et la cuisine de l’institutrice de l’école des filles.
En décembre 1907 l’Inspecteur d’Académie alerte le Préfet sur l’état de délabrement de l’école des filles de Treillières et sur le sort des instituteurs logés à l’étroit. Le Préfet écrit au maire, Olivier de La Brosse, pour lui demander de construire une nouvelle école pour les filles et d’étudier la question d’une mairie en site propre. Le maire de Treillières obtempère et le 23 février 1908, l’architecte nantais Etève établit les plans et devis d’une école pour les filles avec mairie pour un montant 33 395,96 F. Pendant l’été le conseil municipal décide d’attribuer la nouvelle école aux garçons, les filles déménageant dans les anciens locaux occupés par leurs frères.
Une mairie-école pour le 20e siècle
Le cheminement du projet dans les bureaux de la Préfecture dure un an et ce n’est qu’en octobre 1909 que le Conseil municipal peut envisager sa réalisation. Restent à trouver l’argent et un entrepreneur. Le 17 octobre 1909, le Conseil municipal vote une imposition extraordinaire courant sur 30 ans, à partir de 1910, pour couvrir le remboursement d’un emprunt de 15 377,45 F. contracté auprès du Crédit Foncier de France pour la construction « d’une école de garçons et d’une mairie ». L’Etat s’engage à contribuer pour le bâtiment de l’école, comme la loi l’y oblige, à hauteur de 10 630 F. (mais il ne versera rien pour la mairie, car il n’y est pas tenu, et cela les élus de Treillières, mal informés des lois, ne l’apprendront que plus tard à leurs dépens). Le 20 février 1910, le ministère ayant enfin donné son autorisation, on peut procéder à l’adjudication des travaux. Il est prévu que l’entrepreneur adjudicataire construira la nouvelle école-mairie à l’emplacement de l’école des filles qu’il faudra au préalable détruire tout en essayant de récupérer le maximum de matériaux pour la nouvelle construction.
C’est Jean-Baptiste Goureau, entrepreneur de maçonnerie demeurant à Château-Thébaud qui emporte le marché le 17 mars 1910. Il commence les travaux le 4 avril en espérant avoir terminé les 2 classes destinées aux garçons le 31 juillet 1910.
Pendant quatre semaines tout va pour le mieux, puis les incidents s’accumulent. Au mois d’août on n’a effectué que le quart des travaux quand les bâtiments scolaires devraient être terminés. J-B. Goureau demande un acompte de 7500 F pour le travail effectué. On lui verse 4000 F. Il suspend les travaux.
Le 16 octobre, inquiet de la tournure des événements, le Conseil municipal demande au Préfet (qui accepte) de résilier le contrat le liant à J-B. Goureau et à traiter avec un nouvel entrepreneur. Dans la précipitation la municipalité ne lance pas de nouvelle adjudication et passe contrat avec un entrepreneur de Nantes, Mr Le Boulch, qui arrive avec un devis surévalué. Le chantier redémarre le 3 novembre 1910.
Le 13 décembre, l’Inspecteur Primaire de Nantes vient à Treillières et propose de faire entrer les garçons dans la nouvelle école dès le lundi suivant : « il reste à blanchir les murs et à faire quelques petits travaux de plâtrerie. Mais il n’y aurait aucun inconvénient à attendre la bonne saison pour terminer ces salles ». Le 19 décembre 1910, dans l’après-midi, les écoliers inaugurent leurs nouvelles classes. Les autres nouveaux locaux (logement des instituteurs, mairie) ne seront utilisables qu’en juin 1911, mais il faudra attendre l’été 1913 pour que l’ensemble soit entièrement terminé.
Aujourd’hui, les locaux de la mairie- école, malgré les péripéties survenues lors de leur construction, après avoir traversé le 20e siècle, subi quelques transformations, changé parfois d’affectation, non seulement font toujours partie du paysage treilliérain mais y sont totalement intégrés, le bourg ayant glissé à leur rencontre pour placer enfin la mairie au cœur de la principale agglomération de la commune : au centre de la vie locale.
La mairie-école peu de temps après son inauguration