Ouverture au public le samedi 19 septembre 2015. Vous pouvez consulter le reportage de France 3
Au village de La Baclais scintille au creux d’un vallon herbu un petit miroir à main oublié là par quelque fée prenant son bain au lavoir mitoyen : c’est la fontaine Saint-Symphorien. C’était…. Car depuis quelques années l’endroit a bien changé.
Saint Symphorien est le patron de la paroisse de Treillières. Jeune gallo-romain d’Autun (160 – 179) il fut martyrisé pour avoir témoigné de sa foi chrétienne. Son culte se répandit rapidement en Gaule et il fut, avec Martin, Médard…, l’un des saints les plus populaires aux premiers temps de la chrétienté. A Nantes, dès le début du IVe siècle, on lui consacra une chapelle dans l’actuelle paroisse Saint-Similien. Aussi, la première communauté chrétienne de Treillières se plaça-t-elle sous le patronage du célèbre saint vénéré dans le quartier de la ville voisine le plus proche et le plus accessible pour elle.
On sait que les Gaulois vénéraient la terre nourricière et en particulier ce qui contribue le plus à la féconder : l’eau. D’où de nombreux cultes aux sources, ruisseaux, fontaines. Quand la nouvelle religion progressivement s’imposa, elle christianisa ces lieux de culte païens au lieu de les interdire (ce qu’elle aurait été bien incapable de faire tant les nouveaux convertis tenaient à mettre tous les atouts de leurs côtés – Dieu et les esprits anciens – On n’est jamais trop prudent !). Les fontaines ne manquaient pas sur Treillières. Si celle de La Baclais fut placée sous l’autorité du saint protecteur de la paroisse c’est qu’elle devait avoir un statut prééminent sur les autres.
Jusqu’au 17e siècle les populations sollicitèrent régulièrement les vertus de l’eau de la fontaine assimilées à celles de Saint Symphorien En période de sécheresse on venait y tremper le pied de la croix de procession pour obtenir, par l’intercession du saint, la pluie bienfaisante. La Réforme protestante obligea l’Eglise catholique à plus de rigueur et le clergé tenta de mettre un frein aux dévotions trop marquées de superstition. En vain, et le culte de Saint Symphorien (et de sa fontaine) connut même un nouveau succès au 19e siècle.
1958: retour de la procession à la fontaine ; les reliques de Saint Symphorien
sont portées par les jeunes de la paroisse.
En 1856, eut lieu à Autun l’ouverture de la châsse de Saint Symphorien et la vérification des reliques. Alerté de l’affaire par un de ses anciens vicaires féru de reliques, le curé Eraud sollicita de l’évêque d’Autun le transfert à Treillières des pieux restes du saint. Il reçut 3 petits os et une parcelle d’un ancien suaire ; l’évêque d’Autun y rajouta des reliques des parents de Symphorien et quelques autres dont un bout du suaire de Saint Lazare !! Tout cela fut placé dans un reliquaire conservé dans l’église. La fête de Saint Symphorien (22 août) célébrée le dimanche le plus proche de la date connut dès lors un faste particulier : grand messe chantée, panégyrique du saint fait par un prédicateur de marque, procession jusqu’à la fontaine avec le reliquaire porté sur un brancard par quatre hommes, vêpres et enfin Salut au Saint-Sacrement pour terminer pieusement la journée (avant d’aller s’encanailler au cabaret).
En 1938, le 28 août, le curé Prévert inaugura « la grotte de Saint-Symphorien qui recouvre la fontaine ». Le saint aux fonts méritait bien cet honneur car 3 ans plus tôt, le 15 août 1933 il avait rendu un fier service (d’eau) aux habitants. Qu’on en juge par l’extrait du « Livre de Paroisse » reproduit ci-dessous où le vicaire Pierre Aumaître conte l’événement :
A partir des années 1950 le cérémonial évolua. En 1958, la fête patronale devint l’occasion d’une grande manifestation de plein air organisée par le Comité des Fêtes, dont les bénéfices étaient destinés aux constructions et autres aménagements paroissiaux. Elle fut supprimée en 1969 pour ne laisser place qu’aux célébrations purement religieuses (vêpres, proclamation, salut).
Puis peu à peu on délaissa le saint… mais pas le lavoir contigu qui servira jusqu’au milieu du 20e siècle. La pente du petit sentier y conduisant était la hantise des femmes et des enfants remontant la brouette de linge humide ! Ce lavoir fut régulièrement entretenu jusqu’en 1996 par les habitants de La Baclais et de La Poste de Gesvres ; on en profitait pour toiletter la statue du saint qui verdissait lentement au bord de sa fontaine.
La fontaine Saint-Symphorien scintille toujours au creux du vallon de La Baclais on ne peut que vous encourager à y aller vous promener (l’endroit est public même si un voisin indélicat se l’est approprié) ; vous y trouverez l’eau si claire que…
Jean Bourgeon
A la claire fontaine : souvenirs
« La fontaine de St Symphorien: je me souviens qu’il y planait beaucoup de mystère à son sujet, mystère entretenu d’esprit à esprit par le voisinage. Je me souviens y être allé souvent les jours d’été, accompagnant ma grand’mère poussant une brouette en bois à la roue cerclée de fer. Une brouette bien pesante sous le poids d’une énorme balle d’osier remplie de linge qui était parfois préalablement bouilli dans un énorme chaudron galvanisé. Il y avait bien, non loin, un lavoir de pierres planes polies par les innombrables brassées battues de battes de bois et frottées à la brosse en chiendent et au savon de Marseille. Je me souviens encore de l’atmosphère, de l’odeur fraîche et chaude de l’été où le feuillage luxuriant des arbres filtrait les pénétrants rayons de soleil, le chemin de terre chantant sous nos pas joyeux en une poussière fine et légère…. Il me semble bien qu’une personne au moins s’y soit noyée une nuit où l’alcool mêlé de désespoir avaient sûrement eu raison de la raison de l’être. Des bruits de vengeance et de crime s’étaient vite répandus dans les chaumières. A cette époque la télévision n’avait peut-être pas encore fait son entrée ni formaté les pensées mais l’homme lui se faisait déjà bien des films…..!! » Réginald.
«A La Baclais : Le linge blanc était bouilli dans une chaudière chauffée au feu de bois ; vers l’âge de 11- 12 ans nous allions puiser l’eau dans le puits du village ( 17 m de profondeur) dans un récipient en bois appelé « seille ». Il fallait beaucoup d’eau pour laver, faire bouillir et rincer (surtout en hiver) car dès les beaux jours le rinçage du linge se faisait au lavoir de la fontaine Saint-Symphorien. Le chemin étant très pentu nous aidions maman à remonter sa lourde brouette pleine de ballées de linge mouillé, en la tirant avec une corde. Puis venait l’étendage et le repassage avec un fer. » Marthe.