Les hommes du Néolithique ont inventé la nécropole pour conserver auprès d’eux leurs ancêtres, sortes de cautions de l’appropriation d’un espace et d’une histoire transmis aux générations suivantes.
Plus tard, les chrétiens du Moyen-âge prirent l’habitude d’inhumer leurs morts dans l’église paroissiale. Ce fut le cas à Treillières jusqu’au 17e siècle : les nobles et les clercs dans le chœur ; le commun des mortels dans la nef. Les plus pauvres n’avaient droit qu’à l’espace entourant l’église : le cimetière.
Sous la pression des autorités politiques et religieuses on cesse progressivement les inhumations dans l’église. A partir d’octobre 1679 on n’enterre plus que dans le cimetière.
Mais il fut bien difficile de faire de cet endroit planté d’ormes où les villageois aimaient à se rencontrer un espace sacré malgré la croix de bois qui en occupe le centre. Mal protégé par un muret sans cesse écroulé le cimetière est le lieu de distraction habituelle des cochons et chiens du bourg. On s’en plaint du plus haut où remontent nos archives (1572) et jusqu’en 1841.
Cette année là, le maire Alexandre Vincent décide le transfert du cimetière à Vireloup où il se trouve toujours.
De hauts et solides murs entourent un espace dont le centre est occupé par la croix filiforme fixée sur un cylindre de pierre qui a remplacé en 1826 l’ancienne croix de bois du cimetière détruite pendant la Révolution et qui a fait aussi le déplacement.
Quand A. Vincent décède, le 4 mars 1849, le conseil municipal reconnaissant lui octroie une concession à perpétuité dans « son » cimetière. Le Président de la République de l’époque (Louis-Napoléon Bonaparte) donne son accord et la tombe de celui qui fut le plus grand maire de Treillières (tant il sut comprendre son époque, avoir une vision pour sa commune et entraîner, parfois à marche forcée, son conseil municipal sur la voie du progrès) s’élève bientôt au centre du cimetière près de la croix.
Ensuite l’habitude se prit d’inhumer maires et curés de Treillières à côté d’A. Vincent et autour de la croix, constituant ainsi un petit Panthéon local, preuve de la reconnaissance des villageois à leurs chefs et, à travers eux, à leur histoire.
En 1923 le monument aux morts de la guerre de 1914-18 vient compléter le Panthéon de Treillières où l’on trouve les tombes des curés Chesnard (1807- 1820), Rigaud (1833-1850), Eraud (1850–1860), Thomas (1899-1905), Paquelet (1905–1918), Bodin (1923–1933) et des maires A. Vincent (1830–1849), E. de Kersabiec (1849–1851), P. Douet (1852–1878), L. Redor (1919–1922), E. Sebert (1932–1959).
En juillet 1922 le conseil municipal décide de la construction d’un ossuaire de style néo-classique dans l’angle N-O du cimetière.
Après la Deuxième guerre mondiale on double la surface de la nécropole treilliéraine par extension vers le S-E. En 1957 la croix de 1826 est déplacée pour occuper le centre de ce « nouveau cimetière ».
En 1962, le curé Bernard décide de séparer les curés d’avec les maires. Il fait transférer au pied de la croix du nouveau cimetière, le tombeau du curé Eraud (mort en 1860), et, sans doute pour distraire cet auguste prédécesseur, lui impose comme compagnon d’éternité le pétulant curé Prévert (1933 – 1954) qui vient de mourir. Bientôt le curé Bernard (1954 – 1977) s’endort à son tour au pied de la croix arrêtant ainsi le démembrement du « Panthéon » qui franchit sans plus de dommage le cap du 21e siècle … pour peu de temps hélas !
Il y a quelques années la tombe de A. Vincent, pourtant concession à perpétuité offerte par la commune, est attribuée à quelqu’un d’autre et le fondateur du cimetière, de l’école… se retrouve à la fosse commune.
Au début de l'année 2001, c’est Pierre Douet (adjoint 21 ans et maire 27 ans) qui subit le même sort.
E. de Kersabiec a échappé de peu à l’expulsion mais quelques uns de ses enfants qui, bien que n’habitant plus Treillières avaient tenu par fidélité à la commune à être inhumés près de leur père, ont eu moins de chance.
Aujourd'hui, grâce à l'intervention de TAFDT, ce qui reste du petit Pantheon local a été préservé.
Jean Bourgeon